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Contes au pied du mont Boulgou de Bruno Lengani

Contes au pied du mont Boulgou


Quand l’Afrique parle par la bouche de ses anciens

Éditions L’Harmattan et Bruno Lengani


Une Afrique qui veille sous la montagne


Au pied du mont Boulgou, le temps s’arrête. La terre respire encore les voix des anciens, et dans la lueur du feu, un vieillard raconte. C’est de ce cadre presque sacré qu’est né le recueil Nuit de contes au pied du mont Boulgou, un hommage vibrant à la parole des ancêtres, à la sagesse populaire et à la beauté du verbe africain.
Dans ce livre publié aux Éditions L’Harmattan, Bruno Lengani ne se contente pas de transcrire des contes : il les réinvente à la manière d’un passeur moderne, mêlant le souffle de l’oralité à la finesse de l’écriture littéraire.


Une mémoire héritée, transmise, réécrite


Tout commence par une rencontre : celle de l’auteur avec Lalabou, un vieil homme, cousin de son grand-père, dépositaire de la mémoire collective. C’est dans la concession de ce sage, au clair de lune, que s’opère la transmission. Chaque nuit devient un rituel, chaque parole un héritage.
De ce moment d’écoute est né un recueil où les contes, tous enracinés dans la tradition bissa du Burkina Faso, retrouvent leur éclat originel. Ici, le Mont Boulgou n’est pas qu’un relief : il devient sanctuaire, gardien des âmes et symbole d’un monde qui veille encore sur ses enfants.


Des contes pour comprendre le monde


Les récits de Bruno Lengani forment une mosaïque d’histoires humaines et animales, de passions et de morales universelles.
Dans « Le bouc devin », l’auteur rappelle que « tout ce qui pue n’est pas mauvais » : derrière les apparences, la sagesse sommeille.
Dans « Le lutteur prétentieux », le héros Zamban apprend que la force n’est rien sans humilité : « Quelle que soit la grosseur de la marmite, on peut toujours lui trouver un couvercle. »
Avec « La guerre des quadrupèdes contre les oiseaux », Bruno Lengani peint la vanité du pouvoir et la nécessité de l’unité.
Et dans « La dot », c’est la question du courage et du destin qui se pose : oser l’impossible, même face à la mort.

Chaque conte, introduit par un proverbe, devient une leçon de vie, une fable initiatique où le merveilleux sert de miroir à la sagesse humaine.


Une esthétique enracinée dans l’oralité


Ce qui frappe dans Nuit de contes au pied du mont Boulgou, c’est la force visuelle et sonore du texte. On y entend le craquement du feu, les rires des enfants, le timbre grave du conteur.
L’écriture, à la fois fluide et imagée, réconcilie la langue française avec le rythme africain.
Les descriptions minutieuses plongent le lecteur dans la savane : manguiers, cases rondes, odeur de bois brûlé, poussière rouge.
Chaque conte s’achève sur une morale claire, comme un refrain que l’on retient sans effort – héritage de la pédagogie traditionnelle où le conte est une école de vie.


Entre fable et philosophie


Sous la plume de Lengani, la tradition ne se fige pas : elle s’élève au rang de philosophie populaire.
Les animaux, les rois, les vieillards ou les amants deviennent autant d’archétypes d’une humanité en quête d’équilibre.
Les contes du mont Boulgou ne se limitent pas au Burkina Faso : ils rejoignent l’universel, rappelant les fables de La Fontaine ou les mythes d’Afrique de l’Ouest.
Mais ici, le souffle spirituel, la musicalité du verbe et la simplicité du ton confèrent à l’ensemble une saveur d’authenticité rare.


Une œuvre pour l’école et pour la mémoire


Contes au pied du mont Boulgou est un livre à lire, à dire et à transmettre.
Il s’adresse aux enseignants, aux parents, aux conteurs et à toute personne soucieuse de préserver la culture orale africaine.
En réinscrivant ces récits dans la forme écrite, Bruno Lengani accomplit un acte essentiel : celui de sauvegarder la parole avant qu’elle ne s’efface, et de rendre audible l’Afrique qui pense.
Ce recueil fait partie de ces livres qui peuvent nourrir à la fois la salle de classe, la scène du griot et la bibliothèque familiale.


Un appel à écouter les anciens


Au-delà du plaisir de lecture, ce livre nous rappelle une vérité simple :

« Quand un ancien meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. »
Bruno Lengani, en écrivant ces contes, empêche quelques pages de se consumer.
Sous la bienveillance du mont Boulgou, la parole continue de circuler, tissant le lien entre hier et demain.


Conclusion


Entre poésie et transmission, Nuit de contes au pied du mont Boulgou s’impose comme un hommage à l’Afrique de la sagesse, à ses veillées, à ses rires, à ses leçons.
Un livre qui ne se lit pas seulement : il s’écoute, se respire, se médite.
Et dans le silence de la nuit africaine, on croit encore entendre le vieux Lalabou murmurer :

« Les mots sont vivants tant qu’on les partage. »


Edition -

14 octobre 2025

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