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Quand la douleur devient spectacle : dérive violente du sport chez les jeunes

Quand la douleur devient spectacle : dérive violente du sport chez les jeunes

Du MMA aux combats de rue diffusés sur TikTok, une nouvelle culture sportive émerge, où la violence devient un langage, un rite, voire un trophée. Derrière les coups portés, ce sont les blessures invisibles (mentales, sociales, identitaires) qui inquiètent les professionnels de santé. Enquête sur une dérive inquiétante.

Une montée en puissance des sports de combat extrêmes

Depuis la légalisation du MMA en France en 2020, la discipline connaît un essor fulgurant. En 2024, la Fédération Française des Arts Martiaux Mixtes a enregistré une hausse de 338 % de licenciés. Ce boom s’explique par l’attrait des jeunes pour un sport jugé complet, spectaculaire et porteur de valeurs de dépassement. Mais cette montée en puissance s’accompagne d’une banalisation de la violence.

Sur TikTok, des vidéos de “street fights” (combats improvisés dans la rue) cumulent des millions de vues. Ces affrontements, souvent non encadrés, sont perçus comme des démonstrations de virilité ou de courage. Le MMA, pourtant encadré par des règles strictes, est parfois détourné dans des versions sauvages, sans casque ni arbitre.

Blessures visibles, souffrances invisibles

Les urgences hospitalières constatent une hausse des traumatismes crâniens, des fractures et des commotions chez les jeunes pratiquants amateurs. Le Dr Sylvain Desforges, spécialiste en médecine sportive, alerte : « Une blessure mal prise en charge peut entraîner des séquelles à vie, tant physiques que psychologiques ».

Mais au-delà du corps, c’est l’esprit qui souffre. La psychologue clinicienne Dr Mélissa Kaboré, basée à Marseille, observe un glissement inquiétant :

« La violence n’est plus un moyen d’expression, elle devient un mode de reconnaissance sociale. »

Ce constat est partagé par plusieurs experts. Une étude québécoise révèle que 79 % des jeunes sportifs ont subi au moins une forme de violence psychologique dans leur parcours sportif. La pression de performance, la quête de validation sur les réseaux, et l’absence de repères stables favorisent des comportements à risque.

Une société en quête d’adrénaline

Pourquoi cette fascination pour la douleur ? Pour certains thérapeutes, elle reflète une société anxieuse, saturée d’images fortes, où l’émotion brute devient un exutoire.

« Le sport extrême est parfois le dernier espace où l’on peut ressentir quelque chose de vrai », explique la psychologue Coline Régnauld, de l’INSEP.

Les adolescents, en pleine construction identitaire, sont particulièrement vulnérables. Les blessures sportives longues peuvent générer isolement, anxiété, voire dépression. Le sport, censé être un vecteur de bien-être, devient parfois un terrain de souffrance.

Des associations en résistance

Face à cette dérive, plusieurs associations et institutions sportives se mobilisent. La Fédération Française des Clubs Omnisports propose des formations pour prévenir les violences dans le sport. Le CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français) a lancé une commission dédiée à la lutte contre les discriminations et les violences sexuelles.

Des initiatives comme Signal-Sports, pilotée par le ministère des Sports, permettent de signaler anonymement les cas de violence dans les clubs. Et des associations comme Colosse aux pieds d’argile ou L’Enfant Bleu accompagnent les jeunes victimes dans leur reconstruction.

Conclusion : Réhabiliter l’esprit du sport

Le sport ne devrait jamais être un champ de bataille. Il est, ou devrait être, une école de respect, de maîtrise de soi, de solidarité.

« La vraie victoire, rappellent les éducateurs sportifs, n’est pas celle qui met l’autre à terre, mais celle qui nous relève sans violence. »

Dans un monde en tension, réhabiliter l’esprit du sport est plus qu’un enjeu éducatif : c’est une nécessité sociale.

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